À six mois du Mondial 2026, la compétition s’annonce aussi politique que sportive. Alors que les barrages viennent d’être tirés et que 42 pays sont déjà qualifiés, la décision de l’administration Trump de maintenir une interdiction d’entrée visant 19 nations, dont Haïti et l’Iran, bouleverse l’organisation et soulève de sérieuses tensions avec la FIFA.
La fin de la trêve internationale de novembre a laissé place à une atmosphère électrique dans le monde du football, alors que les regards se tournent désormais pleinement vers la Coupe du Monde 2026. Le tirage au sort des barrages européens et intercontinentaux vient de confirmer les ultimes confrontations qui attribueront en mars prochain les derniers billets pour le tournoi prévu dans un peu plus de six mois. On connaît désormais 42 nations qualifiées, tandis que les autres tenteront de rejoindre le tableau final lors du mois de mars, dernière étape avant que les 48 participants soient officialisés. Cette édition, organisée conjointement par les États-Unis, le Canada et le Mexique, est déjà décrite comme l’une des plus politisées de l’histoire. Le président américain Donald Trump multiplie les apparitions publiques autour de l’événement, souvent aux côtés de Gianni Infantino, président de la FIFA. On l’a également aperçu récemment avec Cristiano Ronaldo à l’occasion d’un sommet diplomatique avec une délégation d’Arabie saoudite dont le prince héritier Mohammed ben Salmane. La mise en scène souligne l’implication directe de la Maison-Blanche dans une compétition qui se déroule, plus que jamais, au croisement du sport, de la diplomatie et des enjeux migratoires. Dans ce contexte, la Coupe du Monde 2026 devient un véritable espace de confrontation politique.
L’administration Trump a confirmé maintenir l’intégralité de la proclamation signée en juin 2025, une mesure qui interdit l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de 19 pays : Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan, Libye, Somalie, Syrie, Yémen et Corée du Nord. Les seules exemptions accordées concernent les joueurs, les membres des staffs, les entraîneurs et certains officiels strictement indispensables au déroulement des compétitions sportives majeures. Mais pour les supporters, les journalistes, les arbitres, les préparateurs indépendants, ou autres membres d’équipes techniques élargies, aucune dérogation n’est garantie. Une position qui contraste fortement avec la tradition historique des Coupes du Monde, où le pays hôte assouplit généralement ses procédures de visas afin de faciliter la venue de fans du monde entier. « Les États-Unis vont accueillir le monde entier. Des millions de personnes afflueront, monsieur le président, des millions. Et plus important encore, nous allons procurer de la joie et du bonheur aux quatre coins de la planète. Cela n’a pas de prix. Alors, merci, monsieur le président, d’avoir mis en place ce groupe de travail, car la sécurité et l’accueil de toutes les personnes qui viendront aux États-Unis sont primordiaux, et c’est pourquoi il est important que le gouvernement mette en place ce groupe de travail de la Maison Blanche, sous la direction du président en personne.» Si Infantino a réaffirmé que tous les supporters seraient les bienvenus, l’exécutif américain ne semble pas prêt à infléchir la ligne dure qui structure sa stratégie migratoire.
Le FIFA Pass pour apaiser les désaccords ?
La situation est particulièrement sensible pour Haïti et l’Iran, les deux seuls pays placés sur cette liste d’interdiction mais qualifiés pour la Coupe du Monde. Pour Haïti, qui signe un retour historique après plus d’un demi-siècle d’absence, l’annonce est un coup dur. Dans un pays gangrené par une crise politique profonde, un effondrement institutionnel et l’impossibilité de disputer des matchs à domicile, la qualification représentait une parenthèse d’espoir. Pourtant, les supporters haïtiens, qui comptaient suivre l’épopée de près, se retrouvent empêchés de pénétrer sur le sol américain, même munis de billets ou de garanties financières. L’Iran, habitué aux tensions diplomatiques avec Washington, fait face au même verrouillage. Dans les deux cas, les services américains précisent que des demandes de visas «peuvent être déposées», mais qu’elles ont toutes les chances «d’être jugées inéligibles», sauf exception «très rare» en cas d’intérêt national. Au-delà du football, la question concerne également les arbitres, officiels et membres de délégations élargies issus des pays figurant sur la liste. Par exemple, le Venezuela, dont la sélection nationale n’est pas qualifiée, pourrait être affecté indirectement par la composition des équipes d’arbitrage et les accréditations médias. De même, des arbitres FIFA provenant de Somalie, du Togo ou du Laos pourraient se retrouver bloqués.
Dans ce climat d’incertitude, la FIFA tente d’anticiper les complications. Son dispositif FIFA Pass, prévu pour faciliter la circulation des personnels accrédités, apparaît insuffisant pour contourner les restrictions américaines, car les autorités fédérales se réservent le droit d’examiner individuellement chaque entrée sur le territoire. Plusieurs pistes sont actuellement explorées : une extension partielle des exemptions pour inclure les arbitres, préparateurs physiques ou analystes vidéo issus des 19 pays, un transfert de certaines fonctions logistiques vers le Canada et le Mexique, ou encore des négociations diplomatiques ciblées menées discrètement par la FIFA et certaines fédérations nationales. Les questions sont urgentes, car le tirage final du 5 décembre à Washington déclenchera les premières vagues de réservations et de déplacements. Pour l’heure, aucune solution définitive ne s’est imposée. L’enjeu est majeur, à savoir préserver l’universalité du Mondial, principe fondateur de la FIFA, tout en composant avec la politique souveraine d’un pays hôte déterminé à maintenir une ligne migratoire stricte. À mesure que l’échéance approche, la Coupe du Monde 2026 semble déjà marquée par un bras de fer inédit entre diplomatie sportive et réalités politiques.